Pauline Brun

— Good

performance

©Malo Legrand

C’est incroyable tout ce bleu maintenant que la pluie n’est plus là et puis quand le regard touche le sol c’est incroyable tout ce vert. Les deux grands champs où tout va se passer sont des plages qui descendent vers la mer-forêt. Sur leurs pentes, l’herbe fauchée est couchée en ligne comme des laisses de mer déposées par des marées invisibles.

Pauline Brun est d’abord une silhouette immobile. La silhouette est debout dans le champ. Elle a l’air étrangère. Elle a l’air découpée d’une photo en noir et blanc et collée sur une carte postale en couleur de la forêt. La silhouette porte des gants blancs et une casquette noire. Elle porte aussi un sac plastique noir entre ses gants blancs. On ne voit pas son visage sous la casquette et la silhouette ressemble peut-être à Mickaël Jackson. Nous nous habituons à la silhouette de Pauline Brun debout là et le champ, la forêt et même le vent prennent l’air d’étrangers. BOUM BOUM des basses sortent des enceintes à travers la prairie. Pauline Brun ne bouge pas, c’est sa casquette qui bouge. La casquette se relève petit à petit et dessous, il y a un sourire rouge. La casquette s’arrête quand le sourire est complètement là. Le reste du visage n’existe jamais pendant toute la performance. La silhouette de Pauline Brun devient un mannequin cabossé. Les gestes du mannequin de Pauline Brun sont saccadés, ils ne font pas complètement comme ils devraient, comme si les membres du mannequin de Pauline Brun ne fonctionnaient pas correctement en même temps. “Wooooh, okay”, dit la voix du mannequin de Pauline Brun. La voix est grasse et dégouline. La voix nous fait penser qu’elle est masculine. Les gestes et la voix ont l’air vidés d’une partie de ce qui fait que quelqu’un est vivant. La voix du mannequin de Pauline Brun annonce la performance. La voix dit qu’il va se déshabiller puis faire le tour de la chaise et le tour du micro. La voix essaye d’ambiancer le mannequin avec ce programme. “Yeah, super, okay” dit la voix du mannequin de Pauline Brun. Son enthousiasme ressemble à des sanglots. Tout a l’air d’avoir du mal à exister en même temps, le corps du mannequin, la voix du mannequin, les gestes du mannequin, la performance du mannequin. En se téléportant ici, au milieu du champ auquel il n’appartient pas, le mannequin a perdu des bouts à l’intérieur de lui. Le mannequin de Pauline Brun commence à se déshabiller. “Yeah, good, nickel, super” dit le mannequin pour continuer à s’ambiancer. Le mannequin tire sur ses vêtements. On ne voit jamais son corps mais les vêtements se déplacent, son menton retient son marcel sur son torse et son collant reste coincé au niveau de ses jambes. La voix finit par se désincarner totalement, elle ne sort plus que des enceintes, la bouche rouge ne bouge plus, la bouche sourit juste mais la voix continue de s’auto-encourager partout dans la prairie. “Good, Ok, nickel, super, mmmh, mmmh”, dit la voix, elle ne s’arrête pas, elle répète ces mots comme un directeur de film porno, le corps du mannequin galère mais il entreprend ce qui a été annoncé. La voix continue et le mannequin fait le tour de la chaise, la voix continue et le mannequin porte le sac et la chaise sur laquelle il était assis, la voix continue et le corps du mannequin avance et galère et arrive au bout de ce qui a été dit, la voix continue et le corps du mannequin s’assoit dans l’herbe, la voix continue, la voix dit “Oooooh wah” et le corps du mannequin lâche le sac. 

Nous applaudissons et c’est étrange de découvrir le corps de Pauline Brun qui prend vie sous la casquette du mannequin qui cesse d’exister.

 retrouvez ici l’intégralité du texte de Lucie Desaubliaux