Yoké Collectif

— Temply(OK)é

Installation et soins énergétiques

©Malo Legrand

Au fond du champ, au bout de la ligne de tentes sous les châtaigniers, il y a une tente beaucoup plus grande que les autres. Elle est là depuis le début. On peut la visiter quand on veut. De grands motifs sont imprimés sur ses parois extérieures, des motifs gris, marron, verts, comme un paysage brouillé avec le bout du doigt, comme des masses organiques et vivantes entremêlées. Les pans de la tente claquent des fois avec le vent. Devant il y a une petite table et des tapis par terre pour attendre son tour. La performance du Yoké Collectif se vit individuellement. Nous entrons dans la tente. De l’intérieur, les formes sur la toile ressemblent plus à des bulles, à des liquides argentés qui se mélangent à la place du ciel. Des branches de bois flotté ou mort sont accrochées depuis le centre du plafond, elle pendent assez bas au-dessus du sol, en ligne tout le long de la tente. Violaine Lefur nous accueille. Elle nous demande de nous allonger sur de la paille, sous le balancement du bois mort. Il faut étendre ses membres et fermer les yeux. Violaine Lefur se place près d’une de nos mains et respire. Plus elle respire et plus sa respiration devient un souffle. Violaine Lefur souffle et nous sentons son souffle se prolonger au-delà, le long de nos membres jusqu’au milieu de notre corps. Violaine Lefur souffle à chacune de nos pointes, comme si nous étions une étoile, le bout des bras, la tête, le bout des jambes. Le vent soulève un peu le bas de la tente et souffle aussi. Nous nous enfonçons dans les souffles et nous perdons l’orientation. La tente derrière nos yeux fermés semble à la fois immense et presque contre nos joues. Violaine Lefur fait brûler quelque chose, nous ne le savons qu’à l’odeur, et nous n’entendons plus son souffle mais notre propre respiration. Et puis, Violaine Lefur dit “Ça va ?”, nous ouvrons les yeux et nous répondons oui. La tente est exactement la même que celle dans laquelle nous sommes entré·es. Nous feuilletons un peu le carnet qui sert à recueillir les émotions de celleux qui ont été soufflé·es et nous y inscrivons quelques lignes qui seront forcément une trace très pâle de ce que nous avons vécu ici. Dehors aussi, le monde est exactement le même.

 retrouvez ici l’intégralité du texte de Lucie Desaubliaux