Antoine Bellanger

Chansons, poème, lancé de caillou, apparitions et coquillages

Setu commence. On entre dans la crèche. Devant nous, il y a une flotte de bateaux sur une mer de paille, leurs coques sont des huîtres avec par-dessus une plume pour le mât et la voile. La crèche ressemble vraiment à une crèche. Nous nous asseyons sur la paille devant les huîtres pour regarder le concert d’Antoine Bellanger. Antoine Bellanger porte une casquette orange et blanche. Dessus, il y a marqué “Oui mais non”. Antoine Bellanger chante Emily Dickinson sans micro. Il balance les pieds et il tient ses mains derrière son dos, comme un enfant à la chorale ou comme quelqu’un qui veut expliquer simplement quelque chose de compliqué. Le concert d’Antoine Bellanger ressemble à une collection d’enfant, la collection rend les choses qu’elle contient précieuses. Le concert d’Antoine Bellanger a l’air d’être enregistré sur VHS. Nous avons l’impression à la fois de regarder la VHS et d’être dedans. Ses instruments sont posés devant lui sur une planche rose et il y a des sifflements comme des souffles sur des goulots de bouteille. Antoine Bellanger dit “Salut, ça va ? OK super, bon ben c’est parti”. Antoine Bellanger fait une ombre chinoise de cerf en plein jour. Personne ne voit l’ombre mais tout le monde pense le cerf. Des poules passent sous la sono. La crèche est la cabane d’Antoine Bellanger, il nous a invité·es dedans, c’est à la fois l’intérieur et l’extérieur de la cabane, tout petit et très grand, le passé et maintenant. La cabane d’Antoine Bellanger est feutrée, dedans Antoine Bellanger parle de grottes, de cosmos et de chats. Antoine Bellanger lève les mains droites au-dessus de sa tête rentrée dans ses épaules et de ses yeux ouverts très ronds. Il ne bouge plus comme un chat qui fait semblant d’arrêter d’exister. Antoine Bellanger parle du détail des grandes choses. Antoine Bellanger transforme les choses minuscules en trésors. “L’infini n’est pas loin”, dit Antoine Bellanger en chantant. Il dit aussi que l’univers est dans une pelote de pelote basque. Antoine Bellanger s’assoit sur une petite caisse pour écouter une K7. “Il voyage en solitaire”, dit Antoine Bellanger dans une chanson. Antoine Bellanger partage avec tout le monde les choses qu’il voit tout seul. Le concert d’Antoine Bellanger est drôle-triste, comme les bons souvenirs qu’on retrouve longtemps après. C’est la fin du concert mais pas vraiment. À tout à l’heure Antoine.

Nous descendons le champ jusqu’à la rivière en bas. “Salut”, redit Antoine Bellanger. Antoine Bellanger parle de montagnes et de torrents et de la fin d’un toboggan pour gouttes d’eau. Il n’y a plus les enregistrements de souffles mais il y a le vrai vent qui a l’air d’être pote avec Antoine Bellanger. Derrière, il y a des bruits d’eau animale. On dirait que la musique d’Antoine Bellanger contrôle l’eau. Après sa chanson, Antoine Bellanger dit : “On se rejoint plus tard du coup ?”. Antoine Bellanger lance un caillou dans l’eau et le son du caillou qui plonge revient amplifié. Antoine Bellanger continue à amplifier des jets de cailloux et des enfants viennent l’aider. À tout à l’heure Antoine.

Le loup galère et le gorille s’agace. Une tension monte. Heureusement, la casquette orange et blanche d’Antoine Bellanger arrive. Antoine Bellanger s’installe sur le côté et chante une chanson. Aurélie William Levaux, Baptiste Brunello et le public regardent et écoutent Antoine Bellanger chanter. “À plus tard” dit Antoine Bellanger. La pause s’arrête et l’histoire d’Aurélie William Levaux et Baptiste Brunello reprend. 

©Malo Legrand

La flotte nous épargne toute la nuit et disparaît de Setu jusqu’à la fin. Le matin, on est rassuré·es de ne pas avoir eu si froid. Antoine Bellanger est venu chanter des chansons devant certaines tentes pour nous réveiller tout doucement. “Salut Antoine”.

 retrouvez ici l’intégralité du texte de Lucie Desaubliaux