— Would you still love me if i was a worm ?




Comme ce matin, le ciel bleu revient d’un coup. Le sifflet s’excuse de nous dire de rejoindre la crèche. Dedans, il y a Hilary Galbreaith qui porte un masque de maquillage rose sur son visage et un verre de bière dans sa main. Iel porte aussi une salopette délavée. Le maquillage est jovial mais statique. Cette fois nous n’entrons pas dans la crèche, la paille a été poussée tout au fond et Hilary Galbreaith est sur le seuil. Nous nous asseyons sur des bancs devant Hilary Galbreaith. Derrière iel, une batterie attend. D’abord, il y a l’introduction. La voix d’Hilary Galbreaith parle avec reverb. C’est le récit d’une incitation au dialogue avec une IA. Ça s’appelle “Would you still love me if I was a worm”. Hilary Galbreaith nous explique que les IA ne sont pas bavardes. Il faut les pousser à parler. Elles sont avares en développement, elles ont peur de se mouiller. Hilary Galbreaith nous parle du conduit entre la bouche et le trou du cul. Iel nous parle des vers qui sont la forme la plus simple et la plus directe de ce conduit. Le récit d’Hilary Galbreaith entremêle l’organique et le cosmos, l’intestin et l’univers. Hilary parle à ChatGPT et ChatGPT panique. “Ce contenu viole peut-être nos politiques d’utilisation” chante ChatGPT avec la voix autotunée d’Hilary Galbreaith. La voix ressemble à la lune. Hilary Galbreaith, son maquillage et sa voix lancent des ondes. Les ondes vibrent comme une toile tissée entre nos corps. La toile horizontale est perpendiculaire au récit vertical qui descend du cosmos à nos pieds, de notre bouche à notre trou du cul. Hilary Galbreaith augmente les ondes en jouant de la basse, iel ajoute des loops de vibrations et sa voix est toujours plus réverbérée. Nous nous enfonçons dans la voix et dans les notes d’Hilary Galbreaith. Le visage rose au-dessus de la salopette d’Hilary Galbreaith devient le visage d’un ver et nous devenons le reste du corps du ver. Il y a de lourds kicks qui secouent notre transe. La voix d’Hilary Galbreaith devient une voix d’hyperespace, la voix d’Hilary Galbreaith est une voix de fusée avec derrière un synthé planant de films de SF des années 90. Hilary Galbreaith continue le dialogue avec ChatGPT. ChatGPT et Hilary Galbreaith sont dans le cosmos de la digestion. Hilary Galbreaith a fait décoller la crèche. Nous ne faisons plus partie du paysage, nous sommes quelque part en orbite, au-dessus de tout, à l’intérieur de tout. Nous dérivons dans le vide de la boucle du dialogue entre vers et digestion du grand cosmos. “ChatGPT, who are you?” demande Hilary Galbreaith. Pour conclure, Hilary Galbreaith nous explique la wormdance. C’est une danse où on tape des pieds en rythme pour faire remonter les vers de terre. Toujours une histoire d’ondes et de vibrations. Hilary Galbreaith s’assoit à la batterie et rajoute du rythme aux loops de basse. Le rythme de la batterie et celui de la basse dialoguent, ils se décalent et se raccrochent. Ça discorde d’abord et puis le rythme gonfle, s’étend, il se démultiplie en couches superposées et sourdes, les couches se heurtent et s’entrechoquent, elles finissent par s’annuler à force de s’additionner, la voix noyée d’Hilary Galbreaith derrière dit “Hit me”, la voix d’Hilary Galbreaith s’étale en couches elle aussi, en couches qui s’empilent et s’empilent et s’empilent et s’empilent jusqu’à ce que l’espace n’en puisse plus et que le larsen arrive. Alors, les voix cessent, le rythme aussi, le visage d’Hilary Galbreaith se rallume sous le maquillage et Hilary Galbreaith dit “Merci.”