Simon Asencio

Journal – Hors Série – Anon (en collaboration et interprété par Matthieu Blond)

Edition performée

©Yves de Orestis

« (…)je me suis mis en marche vers la prairie, suivant la petite foule qui se masse doucement vers Matthieu qui nous attend, un genre de couette queen-size enroulée sous le bras droit. Il pose la couverture à sa gauche sur l’herbe, dos au vallon. La main droite posée sur sa poitrine jaune qu’il frappe d’un rythme d’abord discret puis de plus en plus ample, il frappe et sa cage thoracique devient une chambre d’écho, il frappe et ça fait papapa pan pan pan boom. Je sais pas pourquoi, ça m’a marqué, même plusieurs mois après j’repense à ce truc de rythme thoracique, cette manière simple mais si efficace de planter le décor : c’est un truc à piquer je me dis ça, je vais le piquer. Matthieu habille avec son corps un texte qu’il déroule depuis le là-dedans de sa tête, il introduit les phrases entre le crochet de ses doigts : Anon, premier chapitre d’un livre que Virginia Woolf entreprend d’écrire en 1940, six mois avant de se donner la mort. Un livre, une liste d’annotations, de recherches et de questionnements de l’autrice, rassemblées d’abord sous le nom de Reading at Random puis Turning the Page. Matthieu Blond est ici pour nous performer une édition spéciale de son Journal, cette édition est à l’invitation de Simon Asencio qui s’est donné comme consigne de collecter et de traduire des morceaux d’archives de cet ensemble écrit par Virginia Woolf. Le résultat, un fragment de ce résultat est ici face à nous et c’est Matthieu qui nous en parle, précisant que ce que nous voyons, ce que nous entendons est un travail en cours qui s’expérimente face à nous, en plein soleil, tandis qu’une autre partie de ce travail nous attend tout à l’heure, un peu plus loin dans la prairie avec Simon.
Il finit son explication, ferme les crochets de ses doigts, tourne les pages et lit.
3 octobre la vie d’un livre, prendre un livre vivant et sa trace.
Il mime, il interprète. Il lèche son index, tourne une nouvelle page.
Il ouvre complètement sa couverture, des dessins sont tracés dessus, c’est une carte composée de morceaux de feutrines cousus, j’aperçois un ensemble de roches dressées qui me font penser à Stonehenge.
Il y a toujours un enfant qui pleure ou qui parle ou qui râle, on lui sourit, l’enfant ne se calme pas, on poursuit. Je pense à Edmée qui n’est pas là et qui me manque toujours quand je ne l’ai pas avec moi. Matthieu replie sa carte, la porte sur sa tête comme une coiffe.
Quand il tourne une page, il en cite la pagination et la mime en chiffre romain avec ses doigts, le V devient un 5, lorsque le majeur s’enroule autour de l’index on entend “10” et ainsi de suite. Sa carte devient tour à tour vêtement, coiffe ou masque, il saute de part en part. Danse, tend lentement ses mains fragiles dans les airs, y ajoute de la force, les agitent fébriles, les retombent, les remontent et les perd. Il incarne la partition pensée, collectée et traduite par Simon, nous parle de choix, d’affirmation dans le transfert d’une langue à l’autre, de réfléchir depuis l’époque où la matière pour que gallery anglaise reste galerie et pas balcon… »

 retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch

©Yves de Orestis


Reading at Random or Turning The Page (or Singing Out of Doors)

Lecture participative

©Yves de Orestis

« (…) Au fond de la prairie se trouve un grand drap posé au sol, qu’on appelle la page, sur laquelle sont invitées les gentes à venir. On leur donne une autre page plus petite et surtout fluo sur laquelle est inscrite le nom d’un personnage. Je suis le roi Arthur, je place mon nom sur ma poitrine et découvre mes contemporain·e·s, je suis entouré par le Dr Gregg, Edmund Spencer, Lancelot, Sir Balin le savage, Caxton (une police de caractère), the Betsons of essex, Robin Hood, Thomas Bilney, Almendra, Michel de Montaigne, Mary Fytton, Liberation sans (une autre police) . Lui, Simon (en vrai, sir Thomas Malory) nous parle de ses recherches sur l’anonymat et de sa rencontre avec ce texte Anon de Virginia Woolf, un ensemble de notes prises par l’autrice dès le début de l’automne 1940. Le texte est en anglais, Simon dit avoir pensé sa lecture comme un karaoké et pour cela, il demande à 4 personnes de le rejoindre sur la page en précisant qu’elles pourront se faire remplacer à n’importe quel moment. L’assemblée est un peu timide, il se lance : La voix qui brisa le silence de la forêt était la voix d’Anon
Il lit et les lecteurices lisent avec lui, au début hésitantes leurs voix deviennent chorales.
Un enfant rit. Nous sommes à l’ombre des arbres, quand un lecteurice veut s’en aller iel lève la main et un.e volontaire se désigne pour lae remplacer.
Un enfant rit encore
Anon is only a voice
On distribue des popcorns dans le public… »

 retrouvez ici l’intégralité du texte de Robin Garnier-Wenisch

©Yves de Orestis